Guide d'achat

par André Dewael

 

Lors de l'achat d'un véhicule, on est subjectivement attiré par l'aspect extérieur : peinture, jantes, garnissage intérieur, bref, ce qui constitue la raison d'afficher l'expression "bon état général" dans une petite annonce.

C'est la raison pour laquelle je commence le tour du propriétaire par ces aspects pour en arriver à la mécanique proprement dite.

 

 

Corrosion

Pour un amateur de véhicules anciens expérimenté, la Murena présente d'évidence un avantage décisif : son châssis galvanisé à chaud lui assure une longue protection contre la corrosion. Contrairement à tous les autres véhicules, il ne faut pas envisager un démontage complet jusqu'à mettre le châssis à nu pour le restaurer et le protéger contre la corrosion. Il est néanmoins conseillé d'injecter (si cela n'a été fait précédemment) une cire de protection dans tous les corps creux.  Ici le mieux n'est pas l'ennemi du bien.

Voilà déjà de nombreuses heures de travail et un coût que l'on a la chance de pouvoir éliminer dès le départ d'une restauration.

Cependant, il ne faut pas croire que le véhicule soit nécessairement exempt de rouille : d'une part, un accident laisse souvent des traces au niveau des soudures (usage exclusif du poste semi-automatique) ; d'autre part, des petits éléments de tôlerie mal protégés contre la corrosion rouillent (les tôles rapportées sur le tablier AV) et font "mauvais genre" mais ce n'est pas grave.  Elles peuvent être sablées et galvanisées.  Idem pour les fixations des pare-chocs.

Le plus grave se situe au niveau des bras de suspension AR qui n'ont pas été galvanisés et qui n'ont pas reçu de protection anticorrosion interne : la perforation provient de l'intérieur du corps creux, là où l'eau des passages de roues AR s'insinue par des orifices situés au niveau des axes de fixation, et qui s'évacue mal, une négligence lors de la conception. A noter que c'est le seul "point noir" de cette Murena mais il est de taille, vu le coût élevé de leur remplacement.

Bras AR G 1.6 d'origine Bras AR D 1.6 d'origine Bras AR D 2.2 d'origine

Comme ces bras de suspension AR ne sont plus disponibles en neuf, il faut se rabattre sur un système d'échange standard.

La conception des bras diffère d'une 1.6 par rapport à une 2.2.  Si ceux de cette dernière sont relativement faciles à réparer (gare à la torsion du bras lors des soudures car cela compromettra la géométrie du train AR, laquelle n'est pas réglable), les bras d'origine 1.6 sont inimitables car constitués à l'origine de deux coquilles pressées en forme d'Y et soudées latéralement bord à bord. Aujourd'hui, en échange standard, on est obligé de les réparer à la manière des modèles de 2.2. Par conséquent, il est préférable de remplacer les deux bras d'une 1.6, de manière à ce qu'ils soient de conception semblable (passage au contrôle technique).

Sous leur seule responsabilité, certains réalisent des prouesses en réparant un bras de 1.6 perforé. 

 

 

Peinture

Deux types de défauts de peinture d'origine sont connus (uniquement sur les peintures métallisées vernies) :

- soit la dégradation du vernis,

- soit un aspect "griffé" de la peinture en profondeur, sous le vernis, comme si le véhicule avait subi les outrages d'un banc de lavage agressif.

En outre, comme sur toute carrosserie en polyester, des microbulles peuvent être décelées à l'oeil nu (et non sur photos !), ce qui nécessitera alors un ponçage jusqu'au gelcoat et une nouvelle protection de fond avant opérations de peinture.

Sur la partie inférieure de la baie de pare-brise, on constate souvent un écaillage de la peinture noire mat (pourtant épaisse), dû à l'adhérence difficile sur la tôle galvanisée. La finition étant spécifique, il faut trouver un carrossier disposant de ce type de peinture structurante (de même grain) pour retrouver l'aspect originel.

 

 

Carrosserie

S'il est important qu'aucun élément de finition ne manque (certains ne sont plus disponibles en neuf, d'autres font l'objet de reproductions), des alignements disgracieux sèment le doute : accident (grave ?) ou pas ?

Même en sortie de chaîne, tous les alignements n'étaient pas parfaits, surtout parmi les premiers exemplaires produits. Et pour les réaliser à la perfection, il faudra beaucoup de patience.

La réparation des éléments en polyester est sans doute simple mais elle nécessite le respect des conditions d'emploi des produits (température et hygrométrie, principalement). La finition mérite toute notre attention pour obtenir un résultat brillant et durable.

 

 

Garnissage

Plus aucun garnissage n'est disponible.  Aussi lors de l'achat, l'état du garnissage intérieur est un facteur important dans l'évaluation du véhicule.  La console centrale (en plastique léger), située au bas du levier de vitesses, fait l'objet de nouvelles fabrications ponctuelles.

Les volants d'origine (en noir et en marron) se font très rares en neuf : ils ramolissent avec le temps et suivant l'usage ; les pommeaux de levier de vitesse font l'objet de nouvelles fabrications ponctuelles.

Les tissus pied-de-poule de la 1.6 s'avèrent nettement plus endurants que les velours des 2.2 (surtout le velours capitonné, à la fois complexe et délicat). De nouvelles fabrications de tissus conformes à l'origine sont en cours et certains sont déjà disponibles.

La restauration des sièges ne pose guère de problème à un garnisseur car ils sont de conception moderne et, le plus souvent, seul le siège du conducteur est affaissé.  Pour rappel : aucun véhicule d'origine n'a été doté d'un garnissage cuir.

La moquette qui garnit la plage arrière est décolorée lorsqu'il s'agit d'une version 1.6 à vitres blanches. Son remplacement nécessite beaucoup de patience et le recouvrement de la planche cache-bagages, un travail de garnisseur.

Plus aucune moquette d'origine n'est disponible, sauf quelques parois thermoformées du coffre à bagages.

Quant aux panneaux de portière, ils ne sont plus disponibles en neuf et, en occasion, beaucoup ont été perforés pour le placement de haut-parleurs.  

 

 

Visibilité

Le pare-brise

Celui monté d'origine porte la marque "Stadip - Saint-Gobain" inscrite au-dessus de la fixation du rétroviseur intérieur. Ceux fournis aujourd'hui ne portent plus cette identification car ils font l'objet de nouvelles fabrications.

Généralement, pas d'entrée d'eau à signaler avec les pare-brise d'origine mais bien des traces d'infiltration (traces blanchâtres) entre les strates du pare-brise feuilleté, principalement dans les bas côtés latéraux (eau stagnante).

Attention aux griffures dues au raclement du déflecteur en plastique dur riveté sur le porte-balai côté conducteur. Cet élément aérodynamique s'est avéré plus dévastateur qu'efficace…

Le démontage d'un pare-brise se solde par près de 100 % de casse : même les professionnels les plus méticuleux en ont fait la triste expérience. Le changement du pare-brise entraîne le remplacement de ses joints de finition (nouvelles fabrications).

Le rétroviseur intérieur

Il est souvent abîmé au niveau du pourtour : le joint se fend.  Le modèle n'existe plus en neuf mais il a été monté sur les toutes premières Peugeot 205.

Les rétroviseurs extérieurs

Fournis par Vitaloni et identiques à ceux qui ont équipé en 1980 les Lancia Delta et Prisma puis les Lancia Monte-Carlo (et Lancia Rally !), ils ont parfois souffert du vandalisme. C'est le mécanisme qui encaisse.  -Certaines pièces internes de ce mécanisme sont interchangeables entre gauche et droit mais pas toutes malheureusement. Ils ne sont plus disponibles en neuf (sauf à de rares exceptions et à vil prix). Il est possible de les réparer en récupérant des pièces internes (plateaux, engrenages) de rétroviseurs cassés mais il faut de la chance ! Cependant, il existe maintenant des kits de réparation (plateaux et engrenages en plastique), ce qui résoud le problème de leur réglage. Le miroir gauche est encore disponible.

Les feux

Les feux AV ne sont plus disponibles (optiques Ducellier H4, clignoteur/veilleuse, longue-portée Ducellier placés dans le pare-chocs). Les vitrines de feux qui les protègent n'existent plus en neuf, de même que les feux AR, ce qui pose problème en cas de casse pour le passage au contrôle technique (refus en cas de pièces non conformes).

A noter que la fixation des optiques de phare est vraiment spécifique et particulièrement fragile… Des kits de réparation sont disponibles.

La commande des phares

Elle s'effectue via un circuit de dépression (dérivation au niveau du collecteur d'admission). Parfois l'électrovanne, par vieillissement du caoutchouc de ses éléments internes d'étanchéité, laisse échapper un souffle d'aspiration : c'est le signe d'une fuite. Un kit de réparation est disponible, la pièce complète neuve également. Le plus souvent la fuite de l'électrovanne a pour origine une déformation de l'arrêtoir du piston. Un réglage adéquat suffit. Le pot de dépression n'a jamais posé de problème en soi. Mais s'il doit être remplacé, il n'est plus disponible en neuf (à moins d'adapter le modèle de la Bagheera). Pour un bon fonctionnement, il faut surtout bien vérifier l'étanchéité du circuit de dépression tout au long de son parcours, tout particulièrement les raccords en caoutchouc, souvent fissurés avec le temps.  Leur remplacement est des plus simple. 

Une étanchéité parfaite du circuit de dépression garantit une stabilité de ralenti du moteur.

 

 

Mécanique

Les moteurs

Les moteurs d'origine Talbot sont costauds, que ce soit le 1.6 "Poissy" ou le 2.2 "Chrysler". Leur longévité est reconnue ; avec leurs différents montages dans la gamme Talbot, ils ne présentent aucun point faible, hormis la propension des joints de carter à perdre quelques malencontreuses gouttes d'huile sur le sol.  Un remplacement des joints s'impose souvent.

Le bruit de distribution du moteur 1.6 est caractéristique et ne présente aucun risque pour sa fiabilité. Un kit d'amélioration, prévu par le constructeur, est disponible.

Si les deux moteurs sont souples, leur montée en régime n'est pas spectaculaire. Ayant été conçus pour de paisibles berlines, ils ont été transplantés tels quels dans la Murena, à quelques détails près.  Seul le moteur 2.2 de la "Préparation 142" et de la S est réellement sportif. Malheureusement les pièces de cette version sont rarissimes, vu leur faible production à l'époque.

Au niveau de la disponibilité des pièces moteur, on peut globalement dire que tout est encore facile à trouver pour le 1.6 alors que pour le 2.2 les pièces neuves d'origine sont la plupart du temps devenues introuvables. De nouvelles fabrications voient le jour, peu à peu.

Refroidissement : le moteur est refroidi par un radiateur placé à l'avant, alimenté par deux longs tuyaux.  C'est seulement sur les derniers modèles produits que ces tuyaux, sensibles à la corrosion externe, ont été galvanisés. En remplacement, les pièces livrées sont galvanisées. Le radiateur Valeo n'existe plus en neuf, il est possible de le remplacer par celui des Citroën Visa, à condition d'y adapter les fixations du ventilateur.

Lors d'une vidange du liquide de refroidissement, il faut être très attentif à la procédure décrite par le constructeur, de manière à réaliser un débullage parfait, sans risque de surchauffe moteur.

Echappement : à signaler un défaut notoire du collecteur fonte 1.6 (fissure, puis fracture).  Si ce dernier a fait l'objet d'une nouvelle fabrication (en acier), celui de la 2.2 (pièce en fonte qui ne souffre pas de ce problème) n'est plus disponible en neuf.

Des systèmes d'échappement, soit en acier, soit en inox sont disponibles dans différentes configurations (collecteurs 4 en 1) en Hollande (Carjoy), en Allemagne (Simon) et en France (Politecnic).

 

La boîte de vitesses

Fabriquée par la SMAE pour Citroën et Lancia, cette boîte ne brille pas par sa précision de commande. Elle est pourtant susceptible d'accepter un couple important.

Sa commande par tringles et renvois est à surveiller de près afin d'éviter tout grippage et tout jeu excessif qui risqueraient d'endommager la synchronisation. Tous les éléments de la tringlerie sont disponibles afin de réduire le jeu de la commande, ce qui est primordial pour éviter d'endommager les synchros.

 

La transmission

Les arbres de transmission sont généralement en parfait état ; les soufflets sont à surveiller. Ils sont toujours disponibles.

Un bruit incongru peut survenir de l'arrière : il s'agit du roulement de palier supportant l'arbre de roue droit.

Toute intervention sur un arbre de transmission nécessite la dépose du bras de suspension.

A noter que l'arbre gauche est clipsé (par sécurité) dans le pont.

 

L'embrayage

La commande est hydraulique : un émetteur sous le capot AV et un récepteur fixé sur le carter d'embrayage. En cas de fuite, leur remplacement n'est pas obligatoire : des kits de rénovation sont fournis par Bendix.  Si l'état des alésages ne permet pas de procéder à cette rénovation, il faudra monter des pièces neuves, toujours disponibles.

En soi, le mécanisme d'embrayage est très endurant, sauf maltraitance ou kilométrage très important.

Son remplacement nécessite de gros travaux : dépose du bras de suspension gauche, du support moteur gauche, de l'arbre de transmission gauche afin de désaccoupler l'ensemble boîte-pont du moteur et d'accéder au mécanisme d'embrayage.  Disques et mécanismes sont aisément disponibles.

 

Les freins

On a dit pis que pendre des freins AR des Murena en parlant généralement de grippage des étriers et de leur remplacement obligatoire très onéreux. Certains professionnels ont usé de cet argument pour faire de l'excès de zèle et plomber la facture.

En fait, un contrôle régulier et un nettoyage des clavettes (remontées à la pâte au cuivre haute température) assure une parfaite longévité aux étriers flottants.  Rarement il faut en arriver à leur remplacement car il existe des kits de rénovation peu coûteux fournis par Bendix.

Les plaquettes d'origine Ferodo sont toujours aisément disponibles.

Quant au frein à main, il faut contrôler son état.  Souvent sa gaine a été abîmée par négligence et l'eau s'est infiltrée entre le câble et la gaine, provoquant un inévitable grippage.

Il existe 3 modèles de câbles : 2 modèles pour les 1.6 (modèle 81, d'une part et modèle 82 et 83, d'autre part) et un modèle pour les 2.2.

Au niveau des disques de frein, il faut signaler la spécificité des disques AR du modèle 2.2. Leur remplacement est onéreux dans la mesure où il s'agit de nouvelles fabfrications. Aucune adaptation n'est envisageable.

 

 

Suspension

Les suspensions sont à grands débattements. Les amortisseurs Alliquant montés d'origine (bleus sur les 1.6 et beiges sur les 2.2) ont une durée de vie très longue. Ils ne sont plus disponibles en neuf. Dès lors, le montage d'amortisseurs Koni apporte des satisfactions unanimes.

A l'avant, le remplacement des amortisseurs est des plus accessible et aisé.

Par contre, à l'arrière, le constructeur prévoyait de découper la moquette couvrant la plage arrière pour accéder plus rapidement aux puits supérieurs de fixation des amortisseurs.

Pour préserver l'aspect esthétique de la plage arrière, il convient de démonter le cache-bagages (rivets) puis de décoller la moquette afin d'accéder aux fixations supérieures dissimulées sous un cache en plastique noir.

Pour rappel : contrôler l'état des bras de suspension AR et les protéger contre la corrosion interne par injection d'inhibiteur de rouille, ensuite de cire pour corps creux. Ne pas oublier de maintenir les trous d'évacuation bien ouverts.

 

 

Jantes et pneus

Les jantes neuves ne sont plus disponibles. Beaucoup de Murena 1.6 ont été équipées des jantes alu de 14 pouces d'origine 2.2 (elles étaient proposées en option). Les jantes en tôle de la 1.6 (5,5 J 13) avec leurs enjoliveurs circulaires en inox et leurs cabochons noirs ont souvent été jetées aux orties. Aujourd'hui les amateurs du modèle d'origine les recherchent ! Attention au contrôle technique : la dimension des jantes et des pneus (de même que leur indice de charge) doivent correspondre aux données du constructeur. 

Comme pour tout véhicule ancien, la profondeur des sculptures des pneus n'est pas un gage de fiabilité car avec l'âge, les gommes se craquèlent, ce qui constitue un danger majeur. Un pneu dont la fabrication remonte à plus de 5 ans est prohibé. A surveiller attentivement lors de l'achat !

 

 

Electricité

Avec le temps, des problèmes de connecteurs peuvent apparaître : tout doit être vérifié pour assurer une fiabilité optimale.

Malheureusement beaucoup de problèmes relèvent de bricolages rapides, voire hasardeux (ajout d'alarmes, sonorisation ou autres gadgets).

S'il est vrai que la platine de servitude comme les connecteurs multibroches auraient pu être mieux protégés, il est tout aussi vrai qu'un contrôle suivi d'un entretien à l'aide d'un spray hydrophobe arrange bien les choses.

La seule particularité du schéma électrique est la commande d'ouverture des phares : un électro-aimant actionne une vanne de dépression dérivée du collecteur d'admission moteur.

     

 

Entretien

L'entretien n'est pas ruineux et proche de celui des voitures modernes. L'usage d'une huile moteur de qualité semi-synthétique 10w40 marque un progrès par rapport à l'huile minérale préconisée à l'époque. Comme pour tout véhicule moderne, la notion de surconsommation d'huile est fixée au seuil d'un litre aux 1 000 km, situation rare sauf usage immodéré et manque d'entretien (filtres à air, filtre à huile, fréquence des vidanges et qualité de l'huile).

L'ensemble boîte-pont nécessite une vidange tous les 30 000 km.

Les bougies (Bosch W7DC) utilisables sur tous les modèles restent très fiables même après 30 000 km.

Le réglage des culbuteurs était prévu tous les 15 000 Km.  Selon le type de conduite, on peut attendre 30 000 km pour cette opération.

Toutes les pièces d'entretien courantes sont facilement disponibles, à l'exception du filtre à huile Purflux pour 2.2 (possibilité de le remplacer par celui de la Peugeot 505 turbo en changeant le raccord).

Plus que tout autre véhicule de collection, il est préférable d'effectuer l'entretien et les réparations soi-même, étant donné la disparition de la marque au sein du réseau Peugeot.

Tant pis ou tant mieux ?

Au moins, nous connaissons parfaitement l'état mécanique de notre Murena !